Le 12 novembre 2019, la Cour a souscrit à la recommandation présentée par le procureur général à la Cour en juin dernier, selon laquelle le fait de ne pas apposer d'étiquettes sur les produits des colonisations risquait d'induire les consommateurs européens en erreur, ce qui est contraire à la directive de la Commission européenne, considérée une recommandation non contraignante.
La décision de la Cour était un réexamen d’une décision contestée qui avait été publiée par le Ministère français de l’économie en novembre 2016, qui obligeait Israël à apposer des étiquettes différentes sur les produits des territoires palestiniens. Le ministère français a pris cette décision en application d'une législation européenne adoptée en 2011 qui stipule que les consommateurs doivent être informés sur les produits alimentaires. En 2015, la Commission européenne a publié une note explicative sur la mention de l'origine des marchandises en provenance des territoires palestiniens depuis juin 1967 et sur la ratification de l'application de la décision controversée relative à la déclaration de l'origine des marchandises.
Une vinerie construite dans la colonie de Bessghot, sur les territoires palestiniens de la ville d’Al-Beira, au centre de la Cisjordanie, a déposé un recours devant le tribunal administratif français contre l’apposition d’étiquettes sur les produits provenant des colonies, prétendant que ce serait contraire à la décision de la constitution française. Cependant, la Cour a rejeté l'appel et décidé que des étiquettes devaient être apposées sur ces produits. Ensuite, l’usine israélienne a fait appel à la Haute Cour européenne, qui l’a rejetée. Dans un communiqué de presse, la Cour, étant la plus haute autorité judiciaire de l'Union européenne, a déclaré que " les denrées alimentaires provenant des territoires occupés par l'État d'Israël devraient porter une référence au lieu d'origine, ainsi qu'une référence à la source, si ces matériaux provenaient d'une colonie israélienne à l'intérieur de cet endroit. "
Quinze juges ont écrit qu'il était nécessaire d'apposer des étiquettes sur les produits fabriqués dans les colonies israéliennes afin d'éviter «d'induire en erreur les consommateurs sur le fait que l'État d'Israël est présent dans les zones concernées en tant que force d'occupation et non en tant qu'entité souveraine». La Cour a en outre déclaré que les colonies israéliennes reflétaient le fait que la politique de déplacement des citoyens pratiquée par cet État en dehors de ses terres était contraire au droit international humanitaire en général. "La Cour a également déclaré que l'étiquette mentionnant : « fabriqué en Cisjordanie» n’est pas suffisante car les consommateurs ne sauront pas que le produit qu’ils achètent est fabriqué dans une communauté locale établie en violation du droit international humanitaire ». La Cour a ajouté que, selon les Lois de l'Union européenne de 2011 portant sur l’étiquetage des denrées alimentaires et la source des matières, elle doit être clairement précisée, ainsi les consommateurs peuvent choisir sur la base de «considérations morales ou selon le respect du droit international». La Cour a déclaré que l'étiquette indiquait que les produits provenaient de «l'État d'Israël», alors qu'en réalité ils venaient de «terres occupées par Israël… en tant que force d'occupation telle que définie par le droit international humanitaire ».
Points forts de la décision de la Cour de justice européenne:
La décision de la Cour pourrait peut-être être considérée comme une position juridique internationale, par excellence. En 2010, la Cour de justice européenne a examiné une autre affaire, appelée (affaire Breta). Elle concerne l'entrée de produits des colonises en Allemagne. La Cour a rendu son avis sur l'affaire mais n'a pas rendu de décision. L’avis juridique de la Cour n’a pas la même valeur juridique que la décision récente. Cette dernière a mis en place des règles juridiques en ce qui concerne l’attitude des États de l'Union européenne en formulant de nouveaux principes et d’importantes règles juridiques. L’importance de cette décision tient au fait que:
- Il s'agit de la première décision rendue par un Conseil judiciaire suprême européen concernant divers aspects de la colonisation sioniste.
-Elle a établi non seulement une jurisprudence européenne, mais également une nouvelle jurisprudence mondiale difficile à réfuter. Il a réaffirmé le statut juridique des territoires occupés, et que la compétence de l'accord entre Israël et l'Union européenne ne s'applique pas à la Cisjordanie et à Al-Qods, et qu'Israël n'a aucune souveraineté sur ces terres, même si le droit international a accordé une certaine autorité dans le domaine de la sécurité.
-L’intégralité de l’application de la décision sur les produits israéliens dans les régions d’Al-Qods contribuera à consolider leur description en tant que partie intégrante des territoires occupés. Cela nous donne la possibilité de contester toute décision de tout pays qui la contredit. Il nous sera plus facile de faire face au danger que certains États membres de l'Union européenne s'écartent du consensus européenne en prenant des mesures politiques et diplomatiques susceptibles d’affecter le statut juridique d'Al-Qods en tant que partie intégrante des territoires occupés.
- La décision concerne les produits en provenance de Palestine et non de territoires palestiniens ou les territoires de l’autorité nationale, ce qui signifie une reconnaissance juridique de l'État de Palestine par la plus haute juridiction européenne et établit les bases de la reconnaissance par les pays de l'Union européenne de l’Etat de Palestine sous occupation israélienne.
-La décision a traité longuement la colonisation, affirmant qu'il n'est pas permis à Israël, puissance occupante, de déplacer des habitants de / vers les territoires occupés. Il a mentionné une déclaration très importante selon laquelle la colonisation aurait conduit à «la constitution de communautés d'origines étrangères dans les territoires occupés, en violation flagrante du droit international», et que la présence d'Israël ne modifierait pas le statut juridique des territoires occupés, en dépit de l’annexion et de la colonisation illégales et, du fait que le peuple palestinien a le droit à l'autodétermination sur cette terre et que l'Union européenne doit œuvrer pour assurer l'application du droit international et des principes de la Charte des Nations Unies en ce qui concerne les territoires occupés, et que la décision d'étiqueter les produits exprime une obligation morale envers le consommateur européen et le respect des règles et dispositions du droit international.
- La décision jette les bases pour imposer un blocus à Israël au niveau du droit international, ainsi que pour obtenir des résultats, en poursuivant toutes les institutions œuvrant dans les colonies de peuplement et les habitants de colonies de nationalité européenne ainsi que les responsables israéliens.
Conséquences futures de la décision
a- Cette décision représente une victoire pour la légitimité internationale et un coup dur porté à la politique de colonisation israélienne en s’appropriant des territoires palestiniens et exploitant les ressources naturelles au profit des colons.
b- Profiter de ce précédent juridique pour inviter d'autres États hors de l'Union européenne à apposer des étiquettes sur les produits des colonies de peuplement israéliennes situées dans les territoires occupés.
La décision de la Cour européenne permet aux militants de la DBS à déposer des requêtes devant les tribunaux locaux de différents pays, lesquels ne seront pas obligés de délibérer à cet égard au vu de l’existence de la décision de la Cour de justice européenne.
c- La décision judiciaire européenne est un pas en avant pour empêcher totalement l'entrée de produits des colonies sur les marchés européen et mondial et imposer un blocus économique à la puissance occupante, tout comme un blocus contre le régime de ségrégation raciale qui a entraîné l’effondrement de l'Apartheid en République d’Afrique du Sud.
d- La décision de la Cour est contraignante pour tous les Etats membres de l’Union européenne regroupant 28 pays et constitue un précédent juridique permettant de prendre des mesures similaires dans d'autres États situés en dehors de l'Union européenne, en particulier si ce précédent est pratiqué par des activistes du mouvement Boycott Israël.
e- La décision autorise tous les États membres de l'UE à étiqueter les produits des colonies, ce qui ne peut être contesté, parce qu'ils ont été émis par la plus haute autorité judiciaire européenne, et qui va mettra un terme à la tergiversation des gouvernements des États membres et éludant l'application des décisions de l'Union européenne en matière de règles d'origine. Il convient de noter qu'une étude réalisée par le centre du « Projet européen au Moyen-Orient » basé à Bruxelles, a conclu que l'UE avait échoué dans la mise en œuvre de sa décision de 2015 sur l'étiquetage correct des produits des colonisations. L'étude a révélé que seuls 10% des produits dans l'UE avaient l'étiquette correcte ou semi-correcte concernant leur origine, comme l'exige la législation européenne.
f- La décision offre la possibilité d'étendre sa juridiction à des secteurs sensibles, tels que les individus, à savoir les colons, les établissements d’enseignement et de santé, les banques et les entreprises impliquées, directement ou indirectement, dans les activités de colonisation, en liant le bien-fondé juridique de la décision à la décision de la Cour de justice des Communautés européennes de 2010 concernant la compétence géographique de l’accord de partenariat entre l'UE et Israël.
L'annonce de Pompeo démasque le partenariat américano-sioniste
En vue d’anticiper la décision de la Cour suprême européenne, Israël a envoyé des «messages d’avertissement» aux pays européens, les menaçant de «dommages» que cela pourrait causer aux relations bilatérales avec Israël si ces États mettaient en œuvre une éventuelle décision de la Cour. Les messages indiquent que "les États qui étiquèteraient les produits des colonies causeraient de graves dommages aux relations avec Israël". Un document secret publié par le Ministère israélien des Affaires étrangères avant que la décision ne soit rendue, déclarait: "Une éventuelle décision pourrait affecter les relations entre Israël et l'UE et encourage le boycott d'Israël. "Avant la prise de la décision, le Ministère des Affaires étrangères israélien avait adressé à tous les ambassadeurs israéliens auprès des États membres de l'UE un cahier de directives confidentiel qui stipulait les conséquences néfastes, à grande échelle, sur l'exportation de produits israéliens vers l'Europe. "Le câble a demandé aux ambassadeurs de se faire accréditer auprès des plus hauts niveaux politiques des pays, à la publication d’une éventuelle décision et" d'expliquer les conséquences négatives que pourrait résulter de la mise en application de la décision de la Cour et son impact sur les relations avec Israël ".
À la suite de l’adoption de cette décision, le secrétaire d’État américain, Mike Pompeo, a annoncé, dans la soirée du 18 novembre, la révocation de l’avis juridique du Département d’État américain concernant les colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie occupée depuis 1978, qui prévoit que les colonies dans les territoires occupés "ne sont pas conformes au droit international" et, les États-Unis s'opposent aux positions des administrations américaines précédentes en ce qui concerne l'établissement de colonies de peuplement israéliennes et considère maintenant que « l'établissement de colonies de peuplement israéliennes en Cisjordanie n'est pas contraire au droit international ». Cette annonce insensée survient à l'instigation de l'ambassadeur américain en vue de l’abolition de la décision / position pertinente écrite par le conseiller juridique du département des États, Herbert Hansel, en 1987, qui stipule que «l’établissement de colonies de peuplement israéliennes sur des terres palestiniennes est contraire au droit international», contredit l'article 49 de la quatrième Convention de Genève qui stipule qu'il n'est permis à aucune puissance occupante de rapatrier ou de déplacer partiellement une partie de la population civile vers des territoires sous son occupation.
Les membres du Congrès américain ont senti la gravité de cette déclaration qui porte atteinte aux intérêts et à la position des Américains sur la scène mondiale et menace les principes et les règles de la sécurité et de la paix internationales, en particulier l'inadmissibilité de l'acquisition des terres d'autrui par la force et par l’agression, qui fait de l'Amérique un État renégat dans le système des relations internationales. Ces membres ont recueilli des signatures à l'intérieur du Congrès pour demander au secrétaire d'État de se rétracter. Plus de 135 membres ont apposé leurs signatures à cet égard. Tous les États du monde ont condamné cette annonce qui dénonce le véritable partenariat sioniste-américain dans l'agression contre les droits inaliénables du peuple palestinien. Il est à noter que 13 personnalités israéliennes, y compris d'anciens ambassadeurs, hommes politiques et universitaires, ont demandé à l'Europe d'imposer un embargo sur l'importation de produits fabriqués dans des colonies de peuplement construites dans les territoires palestiniens occupés. Les signataires de ce document, envoyé le 15 novembre à la Chambre de justice européenne, ont salué la décision de la Cour européenne de justice.
Étapes urgentes:
Ce qui précède montre le caractère historique et l’importance de la décision de la Cour de Justice des Communautés européennes, qui aura des conséquences et des dimensions multiples, et rectifiera les positions antérieures européennes les ramenant sur la voie du droit international et des dispositions de légitimité internationale. Il est impératif d’appliquer cette décision de justice, en l’adoptant dans la stratégie de l'action diplomatique et des droits de l’homme Palestiniens, en vue de donner suite à ce qui précède suite à la lecture urgente et concise et pour:
- Inviter la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Michelle Bachelet, à assumer sa responsabilité conformément à la résolution 31/36 et à publier la base de données tant attendue des entreprises impliquées dans l'occupation.
- Inviter les pays de l'Union européenne à mettre en œuvre les décisions de leurs parlements respectifs et celles de la Cour de justice des Communautés européennes, à reconnaître l'État de Palestine sous occupation israélienne
- Demander aux Etats de l'UE et à la Russie de révoquer la citoyenneté des colons.
- Demander à la communauté internationale de tenir Israël et l'administration américaine responsables de leurs violations systématiques du droit international humanitaire et des résolutions de l'ONU, y compris la résolution N ° 2334 du Conseil de sécurité, en tant que condition sine-qua-non au maintien d'un processus politique aboutissant à la fin de l'occupation et à la création d'un État palestinien indépendant et souverain, bénéficiant d'une paix juste et durable dans la région, conformément aux principes et aux règles du droit international et aux résolutions successives sur la légitimité de la cause palestinienne.