Dans son entretien avec "l'UPCI", S.E.M. Habib El Malki, Président de l’auguste Chambre des Représentants du Royaume du Maroc, a abordé plusieurs questions cruciales concernant le monde islamique et l'action parlementaire islamique commune à savoir les défis actuels; Cause palestinienne; rôle de la diplomatie parlementaire; expansion des interactions économiques et financières entre les États musulmans; lutte contre le terrorisme et l'extrémisme et, rhétorique antimusulmane en Occident.
Voici le texte intégral de l’interview :
UPCI: Le Parlement marocain a abrité la deuxième Conférence des parlements islamiques au cours des premières années de la vie de l'UPCI. Nous sommes maintenant au seuil du vingtième anniversaire de la création de l'Union et le Maroc accueille cet événement important. Comment évaluez-vous les activités parlementaires des pays musulmans pendant près de deux décennies ?
M. Habib El Malki: Les activités parlementaires des pays musulmans ont connu une mobilité, un dynamisme et une action tangibles depuis la création de l'UPCI. Des conférences et des réunions ont été organisées au cours desquelles un certain nombre de questions d’intérêt commun ont été abordées, en particulier celles qui concernent essentiellement la sécurité des pays musulmans, ainsi que celles relatives des communautés musulmanes de pays non-islamiques et la cause palestinienne, considérée comme un élément central pour les États musulmans. Les réunions parlementaires entre ces États ont porté sur des questions essentielles, à savoir l’ingérence étrangère dans les affaires intérieures des États musulmans, ainsi que sur l'extrémisme et le terrorisme.
Les réunions des Parlements des États musulmans ont eu pour objectif de souligner la nécessité de respecter les droits de l'homme; renforcer le rôle des femmes et des jeunes; condamner les violations de ces droits commises dans toutes les régions du monde, y compris les droits des minorités musulmanes; affirmer l'importance du dialogue des civilisations et faire face aux campagnes occidentales qui vont à l'encontre des valeurs islamiques.
D'autre part, ces réunions ont débattu des moyens pour développer les relations commerciales entre les États musulmans et ont fait allusion aux opportunités et aux éventuels potentiels qui renforceraient la compétitivité de ces États sur la scène internationale.
Les activités parlementaires islamiques ont également porté sur les défis du développement durable avec leurs dimensions économique, sociale et environnementale, ainsi que sur les moyens de les contrer afin de garantir les droits des générations futures et, sur la nécessité de suivre le processus de développement, de la modernisation et de la réforme dans le monde islamique, en plus de passer en revue les nouvelles crises qui affectent un certain nombre de pays musulmans frères. Des déclarations communes et des recommandations ont été publiées exprimant la vision des Parlements musulmans à cet égard.
UPCI: Comment est-il possible d'activer les Parlements des États islamiques en vue de faire progresser l'action islamique commune dans divers domaines?
M. Habib El Malki: Pour atteindre cet objectif, nous devons consolider la gouvernance parlementaire, considérée comme une nécessité constitutionnelle et morale pour améliorer les fonctions du travail parlementaire. Dans ce contexte, les valeurs et les principes nécessaires à la gouvernance parlementaire devraient être invoqués, tels que l'égalité, l'équité, la qualité et la transparence, ainsi que le lien entre la responsabilité et la responsabilisation, l'intégrité, l'évaluation, la créativité et la production afin de servir le bien commun et de réhabiliter la structure institutionnelle des parlements et de responsabiliser les ressources humaines des mécanismes d'action appropriés et du sentiment constant que le Parlement est le pouls de la rue et qu'il exprime ses préoccupations et ses aspirations.
Il faut veiller à la poursuite de la création et de l’amélioration des connaissances, ainsi que d’une formation continue dans le cadre d’une vision qui considère la gouvernance parlementaire comme la règle de l’État et de la société et du système de droits publics. Bien entendu, tout cela découle de programmes concrets comprenant des aspects de législation, de contrôle et de diplomatie, d'une bonne évaluation des politiques publiques, ainsi que d'une structure bien-fondée et transparente et de ressources humaines qualifiées.
Nous devons œuvrer au développement des échanges d’expériences et des meilleures pratiques en matière de gestion parlementaire, en plus d’assurer l'indépendance des autorités législatives pour en faire des acteurs actifs, par le biais de la diplomatie parlementaire, dans plusieurs dossiers internationaux tels que le climat et les migrations, la lutte contre le terrorisme et l'extrémisme et toutes les formes de défense des causes des Musulmans.
UPCI: La cause palestinienne reste un centre d’attention majeur pour le monde musulman. Nous voudrions ici faire allusion à la décision des États-Unis concernant le transfert de l'ambassade américaine, de Tel Aviv à Al-Qods occupée et par conséquent, de faire d'Al-Qods la capitale de l'entité sioniste au lieu de Tel Aviv, ce qui signifie que les Palestiniens perdent certains de leurs droits et revendications. Quelle est la position du Maroc sur cette question ?
M. Habib El Malki: Il convient tout d’abord de rappeler à cet égard, les efforts considérables déployés par Sa Majesté le Roi Mohammad Vl, Président du Comité Al-Qods, pour soutenir la cause palestinienne et préserver les sanctuaires islamiques et chrétiens à Al-Qods, ainsi que pour fournir un soutien matériel et politique aux frères palestiniens jusqu'à la création de leur État indépendant avec Al-Qods comme capitale.
Il ne faut pas négliger le rôle joué par l'Agence de Beit Mal Al Qods dans le soutien des efforts du peuple palestinien à Al Qods; et la préservation du caractère arabe et islamique de la ville, de son statut et de ses sites sacrés, ainsi que la préservation des biens et du patrimoine palestiniens et la fourniture de services sociaux aux Palestiniens dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la culture.
La position du Royaume du Maroc sur la cause palestinienne était, et continue d'être constante, ce qui préoccupe et reste dans le cœur des Arabes et des musulmans et qui se manifeste comme une priorité pour la nation marocaine. Le Royaume du Maroc tient à poursuivre ses efforts pour défendre le droit du peuple palestinien à l'indépendance nationale, en libérant son territoire et en établissant son État indépendant avec Al Qods comme capitale. Comme toujours, le Royaume du Maroc n'accepte pas, et condamne fermement les crimes sauvages commis contre le peuple palestinien non armé, considérés comme une violation flagrante de la loi internationale et du droit international humanitaire, et souligne la nécessité de prendre des mesures sérieuses pour faire cesser ces crimes, assurer la protection internationale du peuple palestinien et tenir les États-Unis pleinement responsables des conséquences désastreuses de leur décision, rejetée par la communauté internationale, en ce qui concerne le transfert de leur ambassade à Al-Qods occupée.
Dans les développements les plus récents, la Chambre des Représentants a qualifié la décision de relocaliser l'ambassade des États-Unis dans la ville d'Al Qods, nulle et non avenue, en violation du droit international et de la Charte des Nations Unies. Cette décision ne peut en aucun cas modifier la vérité historique. La ville d’Al Qods est une ville occupée et la capitale éternelle de l’État de Palestine.
UPCI: «La diplomatie parlementaire gagne en importance, dans le domaine des relations internationales. Quel rôle cette diplomate peut-elle jouer dans l’édification d’un nouvel ordre mondial plus équitable et bénéfique, en particulier pour les peuples des pays en développement?
M. Habib El Malki: La diplomatie parlementaire est un mécanisme et un style distinctifs et méthodiques dans le domaine des relations internationales. Il exerce ses activités dans le cadre des relations internationales, régionales et multilatérales entre les organisations et institutions parlementaires nationales et régionale, vu que ces institutions et organisations sont les représentants démocratiques et les acteurs de l'exercice des compétences constitutionnelles.
Les activités de la diplomatie parlementaire englobent tous les aspects de la vie politique, sécuritaire, sociale et environnementale, en tant qu’objets de discussion lors de ses réunions et colloques, selon les changements rapides dans la vie des nations, en vue de préserver la cohésion sociale et la conformité pour créer un équilibre entre les pays du monde.
À cet égard, la diplomatie parlementaire cherche à jouer un rôle fondamental dans la formation d’un nouvel ordre mondial plus équitable et bénéfique, notamment dans l’intérêt des peuples des pays en développement. Il doit agir au nom et dans l’intérêt des peuples, dans le but d’incarner les valeurs humanitaires et universelles communes, notamment la démocratisation des relations internationales, et de rendre l’ordre international plus humanitaire, plus juste et plus équitable.
La diplomatie parlementaire s'intéresse à la négociation afin de créer l’harmonie entre les différents intérêts des États, en trouvant des solutions acceptables et conciliantes privilégiées par la majorité des pays qui permettent aux organisations parlementaires, aux institutions et aux différents organes de prendre des décisions qui servent les intérêts des peuples.
UPCI: Les Parlements islamiques ont-ils la capacité d'élargir les interactions économiques et financières dans l'espace musulman en adoptant des lois communes?
M. Habib El Malki: Bien entendu, l’expansion des interactions économiques et financières et la consolidation des relations entre pays musulmans ont pour effet de consolider la coordination et la solidarité entre les pays du monde islamique par le biais de canaux institutionnels, au niveau tant bilatéral que multilatéral.
Nous devons continuer à établir des partenariats qui génèrent des intérêts mutuels et à lancer des projets de développement économique et financier en accélérant la mise en place de stratégies de coopération fondées sur des valeurs de solidarité, de justice et d'intérêt commun.
Il convient de mentionner que le travail conjoint des gouvernements, des parlements et du secteur privé devrait être renforcé dans le cadre d'efforts harmonieux et coordonnés et d'une coopération prometteuse déployés dans le monde musulman, étroitement liées aux objectifs du développement durable et de la lutte contre le changement climatique, ainsi que la promulgation de législations appropriées pour promouvoir la coopération économique et commerciale et rechercher des solutions aux problèmes et défis économiques et sociaux auxquels fait face le monde musulman.
UPCI: Comment envisagez-vous de trouver un mécanisme efficace et convenu et ce, dans le cadre islamique, visant à lutter contre le phénomène du terrorisme et de l'extrémisme?
M. Habib El Malki: Pour combattre le phénomène du terrorisme et de l’extrémisme, nous devons adopter une vision unifiée basée sur de nombreux points notamment en veillant à ce que la religion islamique ne soit pas confondue avec le phénomène du terrorisme et de l'extrémisme et en renforçant les mécanismes de coopération islamique internationale pour lutter contre les groupes terroristes extrémistes afin de maintenir la sécurité nationale, partant des principes et des valeurs islamiques tolérants, y compris les valeurs de modération et de tolérance.
Dans le même esprit, la coopération et la coordination devraient être renforcées et coordonnées par diverses initiatives et efforts nationaux, régionaux et internationaux, afin d’éliminer ce phénomène et déraciner ses causes, en approfondissant l'esprit de tolérance et de fraternité et en rejetant toutes les allégations de préjugés, de discrimination et d'intolérance qui pourraient inciter à l'extrémisme et à la violence.
UPCI: L’islam et les musulmans font actuellement l’objet d’attaques de la part de certains milieux occidentaux. A votre avis, quels sont les moyens appropriés pour lutter contre ces attaques?
M. Habib El Malki: Il existe plusieurs moyens et méthodes appropriés pour contrer le rhétorique anti-islam et antimusulmane, qui peuvent être basés sur : la consolidation du principe de tolérance, ce qui signifie respecter, accepter et apprécier la riche diversité des cultures de notre monde, les différentes formes d’expression et les caractéristiques humaines. Cette tolérance peut être renforcée par le savoir, l’ouverture, la communication, la liberté de pensée, de conscience et de conviction. C’est non seulement une obligation éthique, mais aussi une obligation politique et juridique qui contribue à remplacer la culture de la guerre par la culture de la paix.
La tolérance est indispensable entre les individus et les groupes. Les efforts visant à renforcer la tolérance et à adopter des positions basées sur l'ouverture, l'écoute mutuelle et la solidarité, doivent être exercés dans les écoles et les universités, ainsi que par le biais d'un enseignement permanent partout, à la maison ou sur les lieux de travail. Les médias peuvent également jouer un rôle constructif en facilitant le dialogue et la discussion de manière libre et ouverte et en diffusant les valeurs de la tolérance, notamment en sensibilisant les peuples sur leurs droits et libertés communs.
Se concentrer sur la sensibilisation et l’éducation, s’avère essentiel, et peut être considéré comme un pilier essentiel de la tolérance. C'est pourquoi nous devons adopter un comportement systémique et intellectuel pour lutter contre les causes de l'intolérance au cours d'une campagne culturelle, sociale, économique, politique et religieuse, c'est-à-dire les causes principales de la violence et de l'exclusion. Les politiques et les programmes éducatifs devraient donc contribuer à promouvoir la compréhension, la solidarité et la tolérance entre les individus, ainsi que parmi les groupes ethniques, sociaux, culturels, religieux et linguistiques, et entre les nations.